vendredi 27 juillet 2007

L'opium des bien-pensants

"L'Europe, pareille à un geôlier qui vous jette en prison et vous glisse dans les mains les clefs de la cellule, apporta au monde à la fois le despotisme et la liberté". Ainsi, Bruckner définit l'histoire de l'Occident comme "l'interminable ajustement de la réalité aux principes, eux-mêmes toujours violés, toujours réaffirmés". Magnifique dialectique qui est d'ailleurs justifiée dans les faits au regard de l'exemplarité (et non la perfection) de l'Europe occidentale en matière de démocratie et de droits de l'homme.
Comment expliquer alors l'avalanche pénitentielle en Europe et surtout en France?
Evidemment, le crime n'est imputé qu'à celui qui s'en est repenti. La loi Taubira en est une parfaite illustration en définissant la seule traite occidentale comme crime contre l'humanité ( avec des analogies à la shoah totalement infondées).
La fascination française pour le conflit israëlo-palestinien, pour son passé colonial et esclavagiste réside dans une vision manichéenne du genre humain: d'un côté l'homme blanc touché par le péché originel, de l'autre le palestinien ou le "tiers mondiste", tous deux représentant en quelque sorte le "mythe du bon sauvage".
Une autre cause réside dans la disqualification de l'idée nationale en Europe rendant ainsi obsolète le concept même d'intégration.Autrement dit, l'"Etat-prestation" a remplacé ce que Renan appelait "un principe spirituel", "un plébiscite de chaque jours", cad une nation ( dsl pour le gros mot).
Par ailleurs, il est intéressant de souligner l'absence dans cette logique victimaire des français originaires de l'ancienne Indochine qui n'a pourtant pas été épargnée par les atrocités de la colonisation.
Même s'il convient de critiquer cette logique de repentance au profit d'une plus grande estime de soi, la prudence reste de rigueur.
"Il est toujours fécond, le ventre qui enfanta la bête immonde."Bertolt Brecht

2 commentaires:

Le taureau par les cornes a dit…

La disparition de l'Etat-nation est une antienne longtemps répétée et qui doit être démentie. Elle est le support d'un discours réactionnaire qui nous renvoie à une France mythique et caricaturale, nourrie d'une lecture partiale de l'histoire, dans laquelle je ne reconnais ni ma personne, ni mon pays.
La nation ne disparaîtra pas car aucune organisation internationale n'est parvenue à faire disparaître ce sentiment confus mais tenace d'une communauté d'intérêts, noués au coeur de l'Etat. Les difficultés que rencontrent l'UE à dépasser le cadre national, les échecs des négociations de Doha, illustrent l'inertie nationale qui s'est exprimée récemment dans les provocations diplomatiques dont nous gratifient la Russie et le Royaume-Uni ces derniers jours.
La compétition inter-étatique est encore et toujours orientée sur une base nationale et la mémoire en est l'un des champs essentiel. Dans ce contexte, je ne parviens pas à te suivre dans ta condamnation de la "repentance" qui reste pour moi, un signe de maturité, appuyé par un regard objectif sur l'histoire. Cette reconnaissance est une main tendue vers une compréhension collective du passé, élément nécessaire à des relations apaisées et constructives.
La nation ne pourra pas, il me semble, être dépassé par le superétatisme qu'envisageait Kant. Il est cependant souhaitable que la nation cesse d'être vénérée comme un monstre nombriliste, pour devenir le membre responsable d'une société internationale qui reste à former.

Raphaël Tisserand a dit…

Je comprend ton point de vue et je vais préciser le mien. Moi non plus, je ne crois pas à une disparition du cadre de l'Etat-Nation, seulement à une évolution vers une conception plus libérale et individualiste.Un exemple et une hypothèse: regarde la réaction des français envers la journée de solidarité pour les personnes âgées et le slogan "Touche pas à mon jours férié!"; imagine que la France soit attaquée par une attaque terroriste venant d'un pays arabe, les jeunes français seraient-ils prêts à s'engager cad y aurait-il une vague de patriotisme? Je ne pense pas.
Je pense que l'esprit critique est une preuve de maturité surtout envers les zones d'ombre de notre histoire. Néanmoins, je trouve ton point de vue un peu naïf. Regarde l'affaire qui a touché l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau qui n'a pourtant rien fait pour déclencher une telle polémique. Historiquement, il n'ya pas de doute à avoir,il y a bien eu trois traite: la traite musulmane, intra-africaine et européenne. La simple évocation de ca fait historique, déjà relevé par Braudel il y a longtemps, a suscité de violentes polémiques.
Regarde la loi Taubira. Il me paraît justifié de qualifier la traite occidentale de crime contre l'humanité seulement, il y a les deux autres. Le plus choquant ce sont les rapprochements faits par rapport à la shoah. Une logique génocidaire reste étrangère à une logique utilitariste. De surcroît, il n'ya pas d'échelle de richter des souffrances.
Tout ça pour dire que cette logique victimaire s'explique par la croyance qu'il y aurait une "fracture coloniale" (ou "esclavagiste") et que sa résorption entraînerait du même coup la résolution des problèmes d'intégration. Ceci explique l'avalanche pénitentielle qui ne touche d'ailleurs que certaines couches de la population.
CQFD